En 1901, pour la société archéologique de Touraine, M. l'abbé Bosseboeuf décrit les différentes étapes de la construction du pavillon du XVIe siècle "qu'il a visité en détail, grâce à l'obligeance de Mme la comtesse de Montessuy et de son intendant M. Belamy. [...] Après que Laurent Ier eut acheté ce domaine en 1542, il construisit un logis dont il reste un corps avec pavillon élevé et,
De la décoration des salles il demeure, au premier étage, une grande cheminée ornée d'une peinture murale qui mérite à tous égards de fixer l'attention. Une scène de plein air représente la petite cour d'un gentilhomme de province.
Le seigneur est assis tourné vers la gauche et ayant près de lui, debout, sa femme et une personne de condition inférieure, qui peut être sa nourrice.
La droite est occupée par un groupe de femmes dont deux, en costume de paysannes, sont occupées à filer, tandis que les autres, chambrières ou suivantes, travaillent à différends ouvrages domestiques. Au milieu d'elles, inoccupée et tenant un chien, est une jeune fille à la mise distinguée et dans un attitude de coquetterie.
Elle paraît visée par la flèche d'un Amour qui se tient sur la gauche du tableau, sous un arbre, et lance un trait comme au travers d'un cible.
[...] Le seigneur, en brillant costume de gentilhomme avec vêtements à crevés et toque de velours à la Charles IX, paraît être le châtelain de La Vallière assisté de sa femme, également vêtue de riches habits. En 1569, Jean Le Blanc, fils aîné de Laurent Ier, épousa Charlotte Adam, et, à cette occasion, l'on aurait peint, en souvenir du mariage, cette scène où figure au premier plan le futur héritier de La Vallière avec sa jeune épouse ; l'attitude, l'âge, le costume et les divers détails, tout s'accorde bien avec cette explication. En se plaçant à ce point de vue, dans la toute jeune fille coquettement assise à la place d'honneur au milieu des filles du château, peut-être pourrait-on voir Marie Adam, soeur de Charlotte, que Laurent II, frère cadet de Jean, devait épouser quelques années plus tard et dont la physionomie offre des traces de ressemblance avec son aînée.
À quel peintre attribuer ce sujet dans lequel on a soigné les moindre détails et dont les figures sont pour la plupart des portraits ? A l'époque dont il s'agit, Jacques Adam, beau-père de Jean Le Blanc, était maître d'hôtel de la reine, et Jean lui-même occupa la charge de maître d'hôtel du roi et de Catherine de Médicis. Or, on se souvient que le célèbre peintre tourangeau, François Clouet, fut également valet de chambre du roi. Comme le caractère du tableau, la facture des costumes, l'exécution serrée et fine des figures sont bien dans la manière du grand artiste, on peut croire que les relations intimes liées à la cour ont déterminé le Maître à faire cette décoration bien propre à flatter les puissants seigneurs de la Vallière."
En 1578, Jean le Blanc, fils de Laurent, obtient l'autorisation du seigneur de Rochecorbon de protéger sa demeure par des fossés et un pont-levis, en échange, il devait lui fournir un chien couchant tout dressé par an. Selon Georges Collon dans son livre "La Loire tourangelle", la forteresse des La Baume le Blanc pouvait loger quatre cents archers au XVIe siècle.
"C'est en 1582 que Jean hérita de son père de la maison d'habitation. A cette époque, il convient de rattacher la portion de l'édifice dont on a enveloppé alors la tour d'escalier,
en particulier le vestibule, avec sa remarquable porte aux armoiries mutilées des Le Blanc,
et les curieuses lucarnes.
Un reste fort intéressant de cette période est une cheminée décorée de fines sculptures et d'incrustations de marbre avec les inscriptions gravées : Ad principem ut ad ignem - Amor indissolu(bilis). Au-dessous est un monogramme formé des lettres entrelacées JB.CA., initiales de Jean Le Blanc et de Charlotte Adam, que M. Pallustre a relevées sans montrer leur rapport avec les différentes phases de la construction du château, et dont M. Bosseboeuf présente un calque.
Il semble que c'est vers ce temps qu'il convient également de placer les peintures qui ornent la grande cheminée du salon au rez-de-chaussée. Au centre on remarque une réprésentation de la vallée de la Brenne avec les divers travaux et plaisirs des champs, le bourg, l'église et le château de Reugny sur le versant du nord. Les côtés de la cheminée sont rehaussés de quatre personnages allégoriques, dont trois femmes et un homme. Celui-ci, en costume de la fin du XVIe siècle, a pour légende : Cineres mediteris et urnam ; la femme, peinte à l'opposé, a près d'elle un Amour avec, au-dessous, l'inscription : Sit tibi surda Venus. [Ces cheminées furent détruites en 1926, voir la fin de l'autre article].
On le voit bien, l'ensemble des constructions, les décorations, ainsi que les légendes, accusent bien tout à la fois les sentiments de goût et d'honneur des seigneurs de La Vallière au cours du XVIe siècle."
Jean Le Blanc meurt sans enfants. La seigneurie passe à son frère, Laurent II, marié en 1577 à Marie Adam, soeur de Charlotte. Leur fils, Jean II de la Baume le Blanc, fut gouverneur de la ville et du château d'Amboise. Marié en 1609 à Françoise de Bauveau, il eut douze enfants parmi lesquels, Laurent III, père de Louise de la Vallière, né en 1610 ou 1611 et Gilles, évêque de Nantes, né en 1616. Marié en 1640 à Françoise de La Coutelaye, il eut trois enfants dont Jean-François marquis de la Vallière en 1643 et François-Louise en 1644.
En sortant du château de la Vallière, on voyait autrefois une butte de terre connue sous le nom de Saut du Moine. Dans les années 1640, un moine y fit, en effet, un saut terrible. Il chevauchait tranquillement vers le château, attendu par le seigneur au commencement de la nuit. Le pont-levis devait être levé dans l'attente d'un ami, mais, par inadvertance il avait été levé dès le coucher du soleil. Le moine appelle la sentinelle du guet, et tandis qu'on s'apprête à lui donner passage, son cheval impatient le précipite dans les fossés. On eut beau se dépêcher de lui porter secours, on ne retira qu'un cadavre. Cet événement tragique laissa des souvenirs vivaces dans la mémoire du peuple.
Dom Claude Martin, prieur de Marmoutier, dit de Laurent III qu'il "apprit la pharmacie, et fit apprendre la chirurgie à ses valets de chambre pour soigner les pauvres de la campagne, et il fit des actions de charité si éclatantes qu'elles suffiraient pour en faire un livre d'exemple aux personnes de qualité [...]. Quand il entrait en campagne, tout le monde se sentait aussitôt d'un certain respect, comme si l'on eut vu un ange du ciel".
Laurent III, le père de Louise, meurt en 1651. Sa mère se remarie en 1655 avec le marquis de Saint-Rémy, déjà père d'une fille de 11 ans. Avant la mort de son père, la chambre de Louise était sous les combles, et de 1651 à 1655, Louise dormait dans la chambre de sa mère au première étage. Lors du remariage de sa mère en 1655, cette chambre est divisée en deux par un couloir, avec d'un côté la chambre du nouveau ménage, et de l'autre celle de Louise. Puis la chambre de Louise est séparée en deux par une cloison, afin de loger Catherine de Saint-Rémy, fille du nouveau mari de sa mère.
Le frère de Louise, Jean-François, épousa en 1663 Gabrielle Glé de la Cotardais.
En 1667, le domaine est érigé en duché par Louis XIV en faveur de sa maîtresse Louise de la Baume le Blanc.
Jean-François eut quatre enfants dont Charles-François, né en 1670, marquis puis duc de la Vallière en 1723, pair de France,
qui épousa en 1698 Marie-Thérèse de Noailles, à qui il vendit la Vallière en 1736.
De ce mariage naquirent deux enfants dont Louis-César, né en 1708, qui épousa Anne de Crussol.
Une fête donnée au château un soir de juillet 1713 est interrompue par un terrible accident relaté par le curé de la paroisse en ces termes : "Le jour de la St Jacques dernier, il arriva un grand malheur au chasteau de la Valière. Le fermier qui s'appelle Pierre Lambert eut une jambe emportée d'un coup de canon pour avoir voulu tirer lesdits canons qui estoient audit chasteau et les avoir trop chargé pour un bouquet qu'on donnait ce jour à Madame la Commissaire Dubois. Le valeureux Vildosmé, autrement Dubois mon persécuteur, y eut une partie du ventre emportée et mourut trente cinq jours arpès la dite blessure. Despuis ce tems on a vu régner dans la paroisse une paix profonde et on peut dire que dans toute la province il ne s'est pas trouvé une personne qui l'ait regretté".
Louis-César n'ayant pas eu d'héritier masculin, fut le dernier duc de la Vallière.
Avec sa fille Adrienne, le duché tomba en quenouille. Adrienne s'empressa de retrouver un titre ducal, en épousant Louis Gaucher, duc de Châtillon, pair de France. À sa mort en 1762, il laisse deux filles, Amable qui épouse en 1777 le duc de Crussol d'Uzès et Louise qui épouse en 1781 Charles Bretagne, duc de la Trémouille.
Dans un inventaire vers 1790, on trouve un plan :
Le gardien m'a bien dit d'insister sur le fait que le château de la Vallière est un château privé qui ne se visite pas ! Seuls les extérieurs se visitent en août et septembre !
Sources :
- Base Mérimée
- Mémoires et bulletins de la société archéologique de Touraine (1842 - 1901 - 1992)
- Archives départementales d'Indre et Loire (65J7)
- Eugène le Brun, Les ancêtres de Louise de la Vallière, 1903
- G. Braux, Louise de la Vallière, de sa touraine natale au Carmel de Paris
- Armorial général de Touraine
- Georges Collon, La Loire tourangelle
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