L'un des premiers décès d'un "enfant de la Madeleine" à Reugny est celui de Radegonde le 4 septembre 1765, "âgée d'environ un mois, décédée chez Estienne Rousseau chez qui elle estoit en nourrice". C'est donc vers cette date que des enfants abandonnés commencent à être placés dans des familles de Reugny. Cependant, c'est à partir des années 1770 qu'ils y sont placés en nombre, et qu'on trouve de 20 à 40 décès chaque année.
"Le 16 octobre 1769, nous prêtre soussigné avons inhumé dans le cimetière le corps de Maurice, âgé de trois semaines, décédé d'hier chez Pierre Penilleau, métayer de la Buissonnière, a qui il avait été donné à nourrir par les dames de l'hopital de la Magdelaine". On retrouve plusieurs fois ce Pierre Penilleau et on peut facilement comprendre l'engouement des reugnois à héberger des enfants de la Madeleine. En effet, il a été demandé en 1761 "l'exemption de la Milice pour les enfants propres des particuliers qui se chargeront d'élever ces enfants trouvés, sa Majesté ayant reconnu qu'un pareil privilège ne pourrait qu'augmenter la population des provinces et favoriser la culture des terres, elle a décidé : qu'un enfant trouvé (mâle) lequel parvenu à l'âge de 16 ans aura toutes les qualités nécessaires pour porter les armes, sera admis à tirer au sort de la Milice, au lieu et place d'un des enfants propres, frère au neveu de tout chef de famille qui l'aura élevé dans sa maison. Que ce chef de famille aura la liberté de dispenser de tirer à la Milice celui de ses enfants propres, frère au neveu, vivant dans sa maison ou à sa charge, qu'il voudra faire représenter par ledit enfant trouvé ; Et que si un chef de famille se charge d'élever dans sa maison plusieurs enfants trouvés, ladite exemption aura lieu pour autant de ses enfants propres, frères ou neveux, qu'il aura d'enfants trouvés à présenter ayant l'âge et les qualités ci-dessous prescrites. [...] Je vous prie de prendre connaissance des particuliers et chefs de famille qui dans l'étendue de votre Généralité se chargeront de la conservation et de l'éducation de ces enfants, afin qu'ils puissent jouir dans l'occasion de l'avantage que sa Majesté veut bien leur accorder en cette considération"
Un état de l'administration et des dépenses de l'hôpital de la Madeleine en 1754 nous permet de mieux connaître son organisation : "Un tour dans le mur dudit hôpital à côté de la porte d'entrée, qui est ouvert jour et nuit du côté de la rue, dans lequel les personnes chargées d'enfants à exposer les viennent déposer.
Il y a une sonnette pour avertir une sœur qui couche dans une chambre basse tenant audit tour, qui dans l'instant les retire du tour, les visite, et les met aux mains des nourrices qui demeurent dans ladite maison [...] Monseigneur l'intendant et les administrateurs crurent que c'était le meilleur moyen, soit pour leur procurer le prompt secours dont ils ont besoin, soit pour les empêcher de périr, et cacher en même temps la honte des familles qui devenait en quelque façon publique par les procès verbaux que les commissaires étaient obligés de faire...
Deux nourrices résident dans ledit hôpital, qui journellement allaitent chacune un enfant et en outre ceux qu'on trouve dans le tour jusqu'à ce qu'on ait averti des nourrices de la campagne et qu'elles soient arrivées audit hôpital...
Comme tous les enfants exposés sont destinés au travail, le bureau a décidé que pour leur forger un tempérament fort et robuste, ils tetteraient un an, et qu'il serait payé aux nourrices chaque mois, cent sols, ce qui fait soixante livres par an...
À l'âge de cinq ans on le retire de nourrice, et on le fait venir à l'hôpital de la Madeleine, où on l'habille conformément aux autres et on le garde jusqu'à l'âge de sept ans qu'on le remet à l'hôpital de la charité qui est obligé de les recevoir...
La supérieure a soin de faire faire tous les linges utiles aux enfants, et qui entrent dans les différents trousseaux, elle inscrit sur le sommier chaque enfant qui est trouvé dans le tour, lui donne un numéro, numérote aussi la note que l'enfant peut avoir avec lui, paye les nourrices tous les trois mois et en retient registre, va en campagne avec une autre sœur et le valet trois à quatre fois l'année, et plus souvent quand le cas le requiert, visite les enfants en nourrice et en sevrage, les change de nourrice quand elle s'aperçoit qu'ils n'y sont pas biens."
On peut cependant noter certains cas. Par exemple Martin Gasnier : Suzanne, enfant de la Madeleine, était placée chez lui, elle y décède le 15 août 1792 âgée de quatre mois.
Le 14 novembre, c'est Marie, autre enfant de la Madeleine âgé de 7 mois et demi, qui est inhumée. Il est précisé qu'elle était décédée "dans la nuit du deux au trois de ce mois" : que s'est-il passé entre-temps ? Le plus probable est qu'elle ait été oubliée...
À Reugny, l'année 1785 est l'une des années les plus terrible car on compte 65 décès d'enfants "de la Madeleine" sur les 107 décès du village (dont près de la moitié entre juin et août).
Le 14 janvier : Thérèse, 8 jours, "N°7988"
Le 17 janvier : Etienne, 6 jours
Le 20 janvier : Suzanne, 10 mois
Le 21 janvier : Angélique, 1 mois
Le 20 janvier : Jean-Baptiste, 6 ans
Le 13 février : Julienne, 15 ans
Le 17 février : Etienne, 15 jours, "N°8013"
Le 20 février : Blaise, 20 jours, "N°8015"
Le 27 février : Dorothée, 20 jours, "N°8018"
Le 11 mars : André, 1 mois et demi, "N°7961"
Le 15 mars : Mathieu, 6 mois, "N°7902"
Le 17 mars : Geneviève, 7 jours, "N°8057"
Le 17 mars : Rose, 20 jours, "N°8050"
Le 24 mars : Éléonore, 10 mois
Le 29 mars : Saturnin, 4 mois, "N°7963"
Le 7 avril : Marie, 4 ans et 9 mois, "N°7835"
Le 30 avril : Gertrude, 1 an
Le 2 mai : Marguerite, 14 mois
Le 8 mai : Victoire, 14 mois
Le 7 mai : Thècle, 7 mois
Le 26 mai : Isidore, 6 mois
Le 22 juin : Silvine, 10 jours
Le 22 juin : Cyr, 8 jours, "N°8200"
Le 23 juin : Barnabé, 12 jours
Le 15 juin : Michel, 2 mois
Le 25 juin : Charlotte, 3 mois
Le 28 juin : Paulin, 8 jours, "N°8202"
Le 28 juin : Patrice, 15 jours, "N°8193"
Le 30 juin : Simon, 8 jours
Le 30 juin : Agathe, 8 jours
Le 30 juin : Barthélemy, 8 jours
Le 6 juillet : Hilarion, 3 mois
Le 14 juillet : Augustin, 1 an
Le 21 juillet : Bonaventure, 5 jours
Le 22 juillet : Antoine, 6 jours
Le 26 juillet : Thibault, 12 jours
Le 27 juillet : Rosalie, 1 mois
Le 30 juillet : Sophie, 12 jours
Le 30 juillet : Antoinette, 5 jours
Le 1er août : Mélanie, 6 semaines
Le 4 août : Jeanne, 4 mois
Le 5 août : Boniface, 6 semaines
Le 9 août : François, 7 semaines
Le 9 août : Madeleine, 4 mois
Le 12 août : Véronique, 2 mois
Le 12 août : Reine, 4 mois
Le 13 août : Lidoire, 6 mois
Le 13 août : Victoire, 2 mois
Le 18 août : Léon, 4 mois
Le 21 août : Éléonore, 15 jours
Le 30 août : Séverin, 3 mois
Le 1er septembre : Gervais, 20 jours
Le 3 septembre : Théodore, 7 mois
Le 8 septembre : Elizabeth, 3 semaines
Le 13 septembre : Charlotte, 4 mois
Le 20 septembre : Nicolas Joseph, 1 an et demi
À la fin du registre, on peut lire "le 20 septembre a été inhumé un enfant de la Madeleine, décédé chez le nommé Dieulet qui n'avait point de boucle et dont on ne pu avoir le nom ni l'âge quoiqu'on l'ait fait demander à l'hopital. On a depuis reçu la note de l'hopital et rempli le registre." Autrement dit certaines nourrices ne connaissaient même pas le nom des enfants qu'elles gardaient...
Le 28 septembre : Nicolas, 2 ans
Le 30 novembre : Rose, 4 mois, "N°8261"
Le 13 décembre : Robert, 8 mois
Le 19 décembre : Louise, 1 an, "N°7936"
Le 21 décembre : Agnès, 6 ans
Le 23 décembre : Marguerite, 8 mois
Le 24 décembre : Gertrude, 1 an
Le 28 décembre : Justine, 2 ans
Le 14 fructidor an X (1er septembre 1802), l’Hôpital général de La Charité, l’Hôpital de La Madeleine et l’Hôtel-Dieu fusionnent en un organisme unique. En 1825, la mairie de Tours achète le bâtiment, il est ensuite détruit lors de la construction de la gare du canal de jonction du Cher à la Loire. Les enfants abandonnés sont alors placés dans l'hôpital du docteur Bretonneau nouvellement construit.
Sources :
Archives départementales d'Indre et Loire : Registres paroissiaux - C317 - C318.
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