mercredi 22 mai 2013

Reugny : La Vallière (ferme et communs)

Au XVIe siècle, sont construits la grange dont la porte voûtée en plein cintre supporte un escalier droit appliqué à la façade,
et un bâtiment composé d'un rez de chaussée et d'un comble,
possédant une porte Renaissance.
Au XVIIe siècle sont construits le bâtiment qui ferme la cour d'honneur au nord,
le bâtiments perpendiculaire à ce dernier servant de grange et d'écurie,
et un bâtiment de servitude qui ferme la seconde cour.
On trouve aussi un bâtiment non-daté qui existait déjà au XVIIIe siècle. Il est décrit comme "magasin à foin".
Accolé à celui-ci on remarque un petit bâtiment qui semble ancien, et qui pourrait être un vestige des fortifications du château.
Dans un inventaire vers 1790, on lit que le bâtiment du XVIe siècle était un bâtiment "occupé par le garde de ladite terre, composé de deux chambres à cheminées, un cellier au bout, four dans l'une desdites chambres, grenier au-dessus couvert en ardoise, un escalier en bois pour monter audit grenier",
et que la grange était  "un bâtiment dans lequel est un pressoir à roux garni de ses ustencils et une cuve, grenier sur ledit bâtiment couvert en thuilles."
Voici le plan joint à cet inventaire :
Sources : Base Mérimée, Archives départementales d'Indre et Loire (65J7).

vendredi 17 mai 2013

Reugny : La Barre et la Roussellerie

Bâtiment construit au 19e siècle à la Roussellerie.
Une autre ferme est construite au même lieu-dit au 19e siècle.
Elle est composée de l'habitation,
et d'une petite grange construite entièrement en pierre de taille.
Elle possède également un puits couvert.
À la Barre, le bâtiment situé en face de la grange de la première ferme est détruit entre 1819 et 1954 ;
celui situé entre la grange et l'habitation est détruit après 1954.

mercredi 15 mai 2013

Reugny : La Barre et la Roussellerie

La grange ressemble à celle du château de la Vallière, qui elle date du XVIe siècle. On peut donc supposer que celle-ci date également du XVIe siècle.
1736 : "La métairie de la Barre consistant en maison, grange, écurie et estables, cour, jardin."
Vers 1790 : "Les bâtiments de cette métairie consistent en deux chambres, 
dont une à cheminée avec four, greniers au-dessus... 
Ensuite desdites chambres au midi deux écuries, greniers dessus et une tout à porc entre lesdites chambres et écuries... Ensuite desdites écuries, une grange... 
Au levant deladite chambres et écuries, deux autres écuries et une touh à porc au bout, greniers sur lesdites écuries... Tous les bâtiments sont construits en murs à moellon et pierres de tailles et couverts en thuilles."
La ferme de la Roussellerie existait déjà avant 1800, mais elle a été modifiée depuis.
Sources : Archives départementales d'Indre et Loire (65J7 - 65J50).

mercredi 8 mai 2013

Le vin et le vignoble de Vouvray à Reugny et Neuillé

Si la présence de vignes à Vouvray est attestée depuis l'Antiquité (introduites par Saint-Martin à la fin du IVe siècle), rien n'indique qu'il en existait aussi à Reugny, même si la proximité du monastère de Marmoutier a certainement facilité son implantation. En revanche il est quasiment sûr qu'elles étaient présentes au Moyen-Âge, et encore plus à la Renaissance, les rois de France appréciant en avoir à leur table. 
Château de la Côte, cave datant de la Renaissance

Entrée de cave ancienne en pleine forêt, près de la Galérie
Pour le XIXe siècle, l'exploitation du vin se mesure au grand nombre de bâtiments viticoles construits à cette époque. Il s'agit le plus souvent de petites caves associées à une ferme, l'exploitation de la vigne ayant cours parallèlement à l'exploitation générale de la ferme, mais il peut aussi s'agir d'une grosse exploitation, comme en témoigne le chai subsistant de Boissé, qui comportait deux pressoirs.
Le chai de Boissé, accolé au coteau et à ses caves
Plusieurs loges de vignes sont toujours observables sur le territoire, témoignage du parcellement de l'époque qui faisait que certains terrains n'étaient pas situés à proximité immédiate de l'habitation de son exploitant, qui pouvait donc s'abriter, se reposer et se réchauffer à l'intérieur lorsque les travaux des vignes le retenaient un peu plus loin de son domicile.
Une loge de vignes à Reugny
En 1882, le phylloxéra arrive en Touraine et détruit totalement la vigne. Ce n'est qu'au bout de plusieurs dizaines d'années qu'elle retrouvera, et dépassera, son ampleur de l'époque.

Pendant la Première Guerre Mondiale, du Vouvray (de Neuillé) est envoyé au front : "Monsieur le Président donne lecture de l'état de répartition établi entre les prestataires de la commune pour le contingent de vin à fournir (sur la récolte de 1917) à l'armée." [Registre de délibérations du Conseil municipal de Neuillé, 1917]
Dans une délibération de 1923 du conseil municipal de Neuillé, "le Président expose au Conseil dans quelle condition le syndicat viticole de Vouvray attaques les vignerons de Neuillé le Lierre, pour avoir déclaré leur vin blanc comme vin d'origine : (Vouvray). Le Conseil, après délibération, considérant qu'il n'y a pas moyen de défendre cette cause sans argent, vote une somme de 2000 francs pour les frais que pourraient occasionner ce procès."

Le 4 juillet 1929, dans le journal L'Ouest-Eclair, on peut lire que Neuillé n'est pas la seule commune à avoir des problèmes d'appellation, puisque même Reugny et Chançay sont concernées : "La Cour de cassation vient de rendre un arrêt intéressant relatif au droit à l'appellation du vin de Vouvray. Le Syndicat de défense du vin de Vouvray qui comprend les quatre communes de Vouvray, Vernou, Ste-Radegonde et Rochecorbon prétendait que cette appellation était réservée aux seuls vins récoltés sur leurs territoires et déniait aux communes de Noizay, Chançay et Reugny le droit de vendre leur vin sous le nom de Vouvray. La Chambre civile a repoussé la prétention du Syndicat de Vouvray. Elle a jugé que les vignobles des trois communes de Noizay, Chançay et Reugny plantés en pinots de la Loire et cultivés exactement suivant le mode pratiqué dans les quatre communes du Syndicat de Vouvray faisaient partie de l'ensemble géographique ayant les mêmes assises géologiques que les coteaux producteurs du Vouvray. En conséquence, l'arrêt de la Cour reconnait que les vins récoltés sur ces trois communes ont droit à l'appellation de Vouvray."
En violet les quatre communes désirant avoir l'hégémonie de l'appellation Vouvray pour leurs vins en 1929 ; En vert les trois communes ayant reçu l'autorisation d'utiliser l'appellation Vouvray la même année 1929 ; En bleu la commune qui sera intégrée lors de la création de l'AOC en 1936 ; En rouge, la commune qui ne sera jamais intégrée malgré ses revendications.

Le vignoble de Vouvray devient Appellation d'Origine Contrôlée par décret du 8 décembre 1936. Les règles à suivre pour pouvoir étiqueter son vin AOC Vouvray sont définie dans ce décret (Recueil des décrets d'appellations contrôlées promulgués du 8 décembre 1936 au 31 août 1938, Institut national des appellations d'origine, 1938, p. 47-49). Neuillé est alors définitivement exclue de l'appellation, ce qui permet d'imaginer l'issue du procès de 1923...

Et pourtant, le vin était très présent à Neuillé aussi, puisque la Maison Bellevue est construite par un grand courtier en vins (comme en témoignent les grappes de raisin représentées sur les carreaux décoratifs) ;
Neuillé, la Maison Bellevue
et un important vignoble existait à Bel Air, géré par M. Huard.
Neuillé, Carte postale du début du XXe siècle montrant les vendanges à Bel-Air, Collection des Archives Départementales d'Indre-et-Loire.
La création de l'AOC va permettre de développer le commerce du vouvray, et va contribuer à la spécialisation du métier : alors qu'auparavant la consommation était principalement familiale, les producteurs vont pouvoir diffuser leur vin à plus grande échelle.
Photographie des années 1930 prise depuis la place de la Halle (derrière le café-restaurant de la place de la République), Collection de Mme Colette Roulet.
Dans les années 1920, la prévention anti-alcool se développe, et prend place jusque sur le verso d'un cahier d'écolier...
En totale opposition avec cette prévention, un film de 1949 note que "À Reugny nous avons deux fontaines, la bonne et la mauvaise". On voit ensuite une jeune femme allant chercher de l'eau à la fontaine du lavoir, puis un verre rempli de Vouvray : "à vous de juger !".

Dans les années 1980, le passage de la ligne TGV est source de problèmes. Cette ligne allait ravager le territoire et faire trembler le vin dans les caves. Ainsi, dans le journal télévisé d'Antenne 2 du 17 mai 1984, on peut entendre : "Près de Tours, affrontement entre les forces de l'ordre et les viticulteurs qui manifestaient contre l'implantation du TGV. Deux gendarmes ont été légèrement blessés."

lundi 6 mai 2013

Le crash du Major Herrick et ses conséquences sur Reugny pendant la Seconde Guerre Mondiale

Le samedi 5 août 1944, le P38 Lightning du Major Lawrence Herrick explose dans les airs après avoir mitraillé un train vers la gare de Crotelles.
Le Major Herrick appartenait au 370th fighter group, 485th squadron, et était âgé de 24 ans. Il était marié et avait deux enfants.
Le MACR de cette mission (missing air crew report = procès-verbal) nous permet de connaître les circonstances de cet accident : "Le 5 août 1944, moi, William T. Quinlan, premier lieutenant, Air Corps, 0-689819, ai volé en deuxième position dans une mission d'exploitation à travers la France avec le commandant d'escadron Major, Lawrence H. Herrick. Le vol descendit pour mitrailler une locomotive, nous n'avions pas largué nos bombes. Le major fit un passage à basse altitude et fit sauter la chaudière de la locomotive, je l'ai suivi. Après le virage il a commencé une chandelle sur la gauche, et je l'ai suivi environ 800 mètres derrière. Quand il a terminé un virage à 180 degrés et a atteint environ 2500 pieds, j'ai vu son avion exploser. Notre position était d'environ 8 miles au nord de Tours. L'heure de l'explosion était d'environ 10h20."
La locomotive visée se trouvait tout près de la gare de Crotelles.
Les trois employés du chemin de fer qui se trouvaient dans cette locomotive étaient originaires de Blois. Le mécanicien, Marcel Duperray, est tué sur le coup. Son corps est déposé à la ferme voisine de la Colonnière, à Villedômer. Il était marié et avait 46 ans. Clément Leroy décède à l'hôpital Bretonneau à 13h10, il était marié et avait 49 ans. Le chauffeur, Paul Gautrey est éventré et supplie qu'on l'achève. Il décède à l'hôpital Bretonneau à 21h25, il était marié et avait 37 ans. Une plaque en son honneur a été déposée près de la gare de Crotelles.
Quelques secondes après le mitraillage, l'avion du Major Herrick explose en vol au-dessus de Reugny. Le lieutenant William Quilan acheva donc la mission en compagnie de l'autre aviateur qui les accompagnait, il est signalé qu'ils larguèrent ensuite une bombe en gare de Monnaie sur des wagons contenant de l'essence et de l'alcool à brûler.
Un autre hypothèse existe au sujet de cet accident. Selon le Général Seth McKee, que Daniel Sellier a pu rencontrer, l'avion du Major Herrick aurait été bombardé par un des deux autres avions qui l'accompagnait. En effet, après l'explosion de la locomotive, et dans un mouvement réflexe, un des pilotes aurait pu lâcher une bombe sur son avion. Dans les missions de ce genre, les pilotes étaient très stressés et les cabines de pilotage très étroites. Les accidents de ce genre n'étaient donc pas inexistants. On n'en trouve aucune trace écrite, car il est évident que personne ne se serait vanté de ce type d'erreurs...
Mme Crosnier, qui gardait des vaches sur les hauts de Montreuil, a entendu des avions qui mitraillaient du côté de la ligne de chemin de fer. Quelques instants plus tard, elle entend une explosion du côté de Reugny. M. François Cubic, qui gardait également des vaches à Montreuil, se souvient très bien de la violence de l'explosion. M. Simier, qui se trouvait à la Grangellerie (de l'autre côté de l'autoroute), dit s'être dépêché de venir quand il a vu les avions, car il pensait que ça tomberait sur Reugny. M. Duchemin, qui gardait des moutons à Bel-Air,  raconte qu'un moteur et une aile sont tombés dans un champs de ses parents et ont brûlé pendant longtemps. Mme Cabon se trouvait sur les hauts de Mélotin, et a été marquée par la violence de l'explosion et l'odeur du carburant qui brûlait. Des morceaux de l'avion ont été projetés près d'elle. M. Brémon, qui habitait à la Lande, dit qu'il a eu très peur que des morceaux lui tombent dessus. Mme Roger, qui se trouvait à la Logerie chez la famille Mesnier de l'autre côté de la Brenne, "le revoit encore se désintégrer en vol". Avant de se cracher, le pilote éjecta ses deux bombes, qui vinrent exploser vers le lieu-dit Bouard, au sud de Mélotin. M. Brémon précise qu'il a vu les bombes exploser, et que les cratères ont servi de décharge pendant plusieurs années avant d'être comblés et remis en culture. Mme Lebreton se trouvait dans la cour de chez elle, et a vu les deux bombes passer au-dessus de sa tête. Elle raconte que les vitres de sa maison tremblèrent lorsque les bombes eurent explosé.
M. Gérard Faucheux écrit que "le pilote avait été déchiqueté mais son parachute avait quand même continué à descendre normalement dans une vigne près de la Lande. Certaines personnes prétendaient avoir vu le pilote se sauver à toutes jambes." M. Brémon raconte qu'il a vu le parachute descendre en flottant du côté de Bouard, et qu'il a remarqué qu'il n'y avait pas de pilote suspendu à celui-ci. De nombreux habitants ont vu ou entendu la scène, et se dirigent vers les lieux du crash. Le grand-père de M. Carteau allait couper de la luzerne au dessus des Vaudroujoux et il trouva une botte du pilote avec un pied encore à l'intérieur. Il ramassa le tout précautionneusement et alla le porter à la mairie de Reugny. Le tronc du pilote est retrouvé dans un rang de vignes et est transporté dans la ferme voisine de Bel-Air, où des personnes rassemblèrent les parties du corps retrouvées.
Toute la journée, de nombreuses fleurs furent apportées par les habitants. Lucie Dezderlé, un médecin du sanatorium de Launay, coupa une mèche de cheveux qu'elle enverra quelques mois plus tard à la femme du pilote. M. Brémon et son frère sont allés sur les lieux du crash munis d'outils. Lorsqu'ils sont arrivés sur place, les allemands y étaient, ils ont donc attendu leur départ pour démonter le mécanisme de réglage du pas d'une des hélices, et l'ont emporté. Les allemands furent avertis qu'il y avait deux pilotes dans l'avion. En effet, certaines personnes ont vu descendre un parachute, mais ils n'ont pas vu qu'il n'y avait pas de parachutiste au bout. Il n'en fallut pas plus pour les Allemands, et "le lendemain matin par ordre de la Feldkommandantur de Tours il fut publié à son de tambour (par M. Guet, le garde-champêtre) que "les personnes ayant recueilli l'aviateur américain devaient le déclarer à la mairie sous peine que vingt hommes seraient fusillés. Et le père de Michel Tricot, instituteur, qui avait eu quelques problèmes en classe avec le fils d'un collaborateur, a su qu'il était sur la liste. 
Le notaire, M. Girard, figurait sur la liste des otages. Il était un survivant de la boucherie du Chemin des Dames, le 16 avril 1917, il ne se laissa pas désarmer par cette nouvelle et dormi tranquille cette nuit là. "Certains allèrent se réfugier jusqu'à Saint-Cyr-du-Gault, dans le Loir-et-Cher." Les autres se cachèrent dans les bois, dormirent dans les granges, comme M. Bodet, ou se préparèrent à se cacher dans un puits, comme M. Simier, alors âgé de 19 ans, qui avait placé une échelle dans le puits, au cas ou il aurait été nécessaire de se cacher en urgence avec ses frères et sœurs. La famille Lebeau, qui habitait de l'autre côté de la Brenne, est prévenue par la boulangère Mme Fontaine. Accompagnés d'une vache et d'une chèvre, ils se cachent pendant deux jours dans une cave à cinq kilomètres de chez eux. Mme Crosnier qui gardait ses vaches à Montreuil a été prévenue dans la soirée qu'il fallait rentrer car les allemands cherchaient un deuxième pilote et voulaient prendre des otages. Elle raconte qu'elle avait 16 ans et qu'elle ne se rendait pas compte de la gravité de la situation.
Jacques Niot, réfugié avec ses parents à Reugny, était allé sur les lieux et avait récupéré un chapelet de balles de mitrailleuses... que son père s'était empressé d'enterrer. Cependant il en avait gardé une dans sa poche, qu'il a pu offrir à la famille lors de la cérémonie du 8 mai 2015.
Le lendemain, le bourg de Reugny était désert, ils ne restaient que quelques hommes qui avaient bravé la menace. M. Faucheux écrit que "Pendant ce temps, d'autres personnes parmi la population avaient déjà commencé à faire un enterrement digne d'un soldat et avaient mis le cercueil sous le choeur de l'église, recouvert d'un grand drapeau tricolore." M. Jacques Boucher était apprenti à la menuiserie Derdard, et c'est lui qui a conçu le cercueil du pilote. Il raconte que lors de la mise en bière, de nombreux habitants sont venus déposer des médailles sur le corps du pilote. Mme Ferrand, qui se trouvait tout près de cet endroit, a vu un véhicule allemand arriver avec un officier qui tenait un revolver appuyé sur la tête de M. Cruché, maire de Reugny. "Celui-ci était tout blanc, cela m’a vraiment frappée". L’officier allemand exigea de voir le corps du pilote, la porte fut ouverte et Mme Ferrand aperçut un petit cercueil recouvert d’une écharpe tricolore. L’officier allemand l’arracha rageusement. "Lorsque les aviateurs allemands vinrent faire une enquête, ils assurèrent d'abord qu'il n'y avait qu'un aviateur dans l'avion et que le parachute était tombé tout seul mais que les Français n'étaient pas chargés, en période d'occupation militaire, de faire des obsèques à un soldat américain. Ils demandèrent, en conséquence, de faire creuser une fosse dans le cimetière et d'enterrer l'aviateur le soir même à trois heures sans aucune assistance. M. Célestin Haguenier, le fossoyeur fut requis immédiatement par M. Delmon le secrétaire de mairie pour creuser la fosse. Claude Faucheux qui, par hasard, allait à la mairie pour faire une demande de bon de chaussures, se voyait requis également pour porter le cercueil au cimetière ainsi que Maître Girard, Avelino Pongan, Gérard Faucheux et M. Plancke, officier retraité. A deux heures et demi, ne voyant pas M. Plancke arriver, maître Girard décidait que nous monterions le cercueil au cimetière à nous quatre (c'est toujours Gérard Faucheux qui parle). Le fait est qu'il n'était pas lourd le cercueil car bien peu de choses avait été péniblement recueilli du corps de l'aviateur. Les portes du cimetière furent grandes ouvertes et deux gendarmes de la brigade de Monnaie arrivaient, dont l'adjudant Pommerol qui devait être tué au cours de l'affaire de la gare de Monnaie à laquelle j'ai assisté également. Nous décidâmes de descendre le cercueil directement dans la fosse. Il n'était pas très long mais la fosse était encore plus courte. M. Haguenier s'était trompé dans la mesure. Muni d'une pioche et d'une pelle je descendais dans la fosse pour la rallonger. Du coin de l'oeil, je vis arriver une voiture militaire allemande dans le rond-point du cimetière. Elle s'immobilisa face à nous. L'officier allemand assis à côté du chauffeur se leva et attendit dans la voiture. Voici alors qu'arrive un homme tout vêtu de noir, les gants à la main. Il monte l'allée centrale, passe devant l'officier allemand pour se diriger vers la sépulture de l'aviateur. "Kommen Sie !" dit l'officier allemand au visiteur. L'homme se retourne, avance de quelques pas, claque des talons et dit : "Je suis un ancien officier de l'Armée française. Je suis venu à l'enterrement d'un soldat. Tout soldat mérite un hommage pour le sacrifice qu'il a fait à sa nation. Je m'appelle Plancke, je suis réfugié du nord à Reugny, j'ai deux fils qui combattent en Afrique du Nord avec l'Armée française !"  
Nouveau claquement de talons et notre héros s'en va plus loin s'incliner devant la dépouille de l'aviateur américain que, pendant ce temps, nous avions mise en terre. Quelle allait être la réaction de l'officier allemand ? Nous étions très inquiets. M. Plancke repasse alors devant l'officier allemand sans un regard et descend l'allée du cimetière de Reugny. Pas de réaction, le courage a payé." 
Le père de M. Duchemin avait récupéré un chapelet de balles de mitrailleuses et les avaient caché dans une haie avant l'arrivée des allemands. Il utilisa la poudre des balles pour confectionner des cartouches, la détonation était "fulgurante". Il avait également recueilli des morceaux de l'avion, mais il les vendit à un ferrailleur de Saint-Pierre-des-Corps quelques mois après.
Le 1er novembre 1944, une cérémonie a lieu, et Albert Plancke, qui avait bravé les allemands lors de l'enterrement du pilote, prononce un discours dont voici un extrait : "...Nous avons encore présents les instants dramatiques de votre fin où par une semblable journée ensoleillée et dans une véritable apothéose du sacrifice, votre pauvre corps était dans un tonnerre, lacéré et dispersé. Unanimement déjà nous nous étions trouvés réunis pour accueillir les tristes débris de ce beau jeune homme que vous étiez, soucieux déjà et réfléchi. Il vous était réservé de belles funérailles et l'hommage que Reugny vous avait préparé était bien dis au soldat tombé pour un idéal commun au champs d'honneur. Nous avons su de combien nous aurions pu le payer..."
Le 11 novembre 1944, le médecin du sanatorium de Launay qui avait retrouvé le corps envoie une lettre à la femme du major Herrick : "Launay, le 11 nov. 1944. Madame, le 5 août 1944, un avion explosait en plein vol. Il était environ 10h du matin. Je suis médecin et j'ai quitté mon travail pour aller voir si je ne pouvais pas être utile. Helas ! Quand je suis arrivée sur les lieux où est tombé l'appareil il n'y avait plus rien à faire pour votre pauvre mari. Avec un de mes malades : Jean Claude Charprot nous avons mis le corps de votre mari à l'abri du soleil et pour vous j'ai coupé cette mèche de cheveux, 
j'espère que ce souvenir vous sera agréable, petite madame, car vous devez être bien jeune puisque votre époux n'avait que 23 ans. Si cela peut vous être une consolation je peux vous affirmer qu'il n'a pas souffert. 
Maintenant il repose dans un petit cimetière de campagne. Sa tombe est toujours fleurie [elle était composée d'une croix en bois et d'un morceau d'hélice de son avion], j'y vais souvent lui rendre une petite visite, je fais une prière... Aujourd'hui les couleurs américaines claquent au vent et votre mari a beaucoup de visites...
Un jour viendra, très prochain j'espère, ou cette guerre sera finie. Vous viendrez aussi, je vous connaîtrait peut être, chère et lointaine petite amie. Nous parlerons ensemble, vous me direz comment il était vivant. Peut être voudrez-vous m'envoyer sa photo et aussi la vôtre. Puisque le destin a voulu que ce soit moi qui rende le dernier service sur cette terre à votre mari, nous pourrions devenir amies de loin. De temps à autre vous m'écrirez, vous me parlerez de vous, de la vie en Amérique, et de tout ce que vous voudrez je suis très compréhensive, c'est un peu mon métier car comme je vous ai dit je suis médecin et l'on me confie toute sorte de peines. Je ne connais l'Amérique que par quelques romans et surtout par le cinéma, je serai heureuse de connaitre une vraie américaine. Je suis bien plus âgée que vous puisque j'ai 42 ans. On vous a peut être dit que le village de Reugny a vécu un drame à la suite de cet accident qui a coûté la vie à votre mari ? Les gendarmes allemands croyant qu'il y avait un survivant ont exigé qu'on le dénonce sans cela 20 otages seraient fusillés 24 heures après. Nous avons eu bien du mal à obtenir une maquette pour démontrer que l'appareil était un monoplace. A ces jours tout s'est arrangé mais nous avons vécue une nuit tragique pendant laquelle bien de mères, bien de soeurs et épouses ont tremblé pour les leurs. Je termine, chère petite madame, en vous souhaitant beaucoup de courage, ma pensée va souvent vers vous avec toute ma sympathie. Ecrivez moi cela me fera grand plaisir. Jean Claude Charprot, un de mes malades, qui m'a aidé le matin du 5 Aout me prie de vous transmettre son très respectueux souvenir et moi je vous serre cordialement la main. Docteur Lucie Dezderlé, sana de Launay..."
Quelques mois après, des militaires américains sont venus demander au père de M. Duchemin de leur indiquer l'endroit où le corps du pilote avait été retrouvé. Suite à ses indications, ils sont allés sur place en jeep et "nous les avons observés de loin rendre les honneurs." Ils sont ensuite repartis vers Monnaie. Environ un an plus tard, les autorités américaines rapatrient le corps du pilote aux Etats-Unis, dans le cimetière de sa ville natale, à environ 250km de Chicago.
Les personnes interrogées se souviennent tous parfaitement de cet accident ainsi que des moindres détails, et de nombreux morceaux de l'avion peuvent encore aujourd'hui être retrouvés dans les environs de Bel-Air.
La mise au jour de cette histoire a été suivie de la venue de la famille Herrick pour le 8 mai 2012.

Sources : 
- Jean Pierre, président de Forced Landing association 
Robert Vivier, Touraine 39-45, éditions CLD, 1990, p. 253 
Claude Morin, La Touraine sous les bombes, éditions CLD, 2000, p. 284 et 319
- Gérard Faucheux, Vichy et l'occupation
- Mairie de Reugny
- Les nombreux témoins que je remercie grandement
Find A Grave, M. Plancke, Aline Renou, Yann Deniau et bien sûr Daniel Sellier.