Le pont de bois permettant de franchir le bras de la Brenne coulant au bas du bourg avait besoin, tous les cinquante ans environ, de réparations qui faisaient l'objet de réclamations de la part des habitants de Neuillé. En effet, moyennant la perception d'un droit de péage, ce pont avait jadis été construit et entretenu par les seigneurs de Château-Renault, dont relevait la paroisse de Neuillé à cause du fief de Brouard. Mais au fil des ans, les seigneurs de cette baronnie négligeaient son entretien et les habitants de Neuillé devaient leur rappeler cette obligation. C'est ainsi que le 9 mai 1510, le procureur de la fabrique de Neuillé assigna la seigneur de Château-Renault, François II d'Orléans, duc de Longueville, comte de Dunois, devant le bailli de Touraine, pour le mettre en demeure de réparer le pont.
Quarante-cinq ans plus tard, le 25 mars 1555, à la requête de Jehan Collas, fabricier à Neuillé, Claude Gadeville, lieutenant du Capitaine et maîtres des Eaux et forêts de Château-Renault, "grugea du marteau 24 pieds de chênes pour faire la réparation du pont de Neuillé".
Au début du XVIIe siècle, le pont n'étant plus entretenu était en ruine. Le 10 avril 1615, les habitants de Neuillé adressèrent au Capitaine des Eaux et forêts de Château-Renault une supplique dont voici un extrait : "de tout temps immémorial, il y a eu sur la rivière de Branne dépendant de cette baronnie, un pont construit et entretenu par les sieurs prédécesseurs seigneurs dudit Château Regnault, pour servir au public et même aux dits habitants afin de se trouver au service divin. Lequel pont était situé et assis au droit du village de Neuilly, où il se remarque encore de présent quelques pans et vestiges d'icelui. Icelui cy devant toujours entretenu par lesdits sieurs prédécesseurs seigneurs, sinon depuis douze ou quinze ans déjà qu'il serait tombé en telle ruine qu'il n'y a moyen à présent d'y pouvoir passer. À cause de quoi lesdits habitants en reçoivent de grandes incommodités, même qu'ils ne peuvent aller au service divin et sont contraints aller ailleurs faire leurs prières. Ce considéré mondit Sieur, attendu que de tout temps lesdits seigneurs prédécesseurs dudit Château Regnault auraient toujours joui [...] des péages en conséquence desquels doivent être les ponts et passages entretenus par mondit seigneur, Vous plaise en cette considération, mondit sieur ordonner que ledit pont sera reconstruit et réédifié et mis en son prestin état, et que icelui sera entretenu comme il a été cy devant, au même lieu et endroit où il était, le tout aux frais et dépenses de mondit seigneur le duc et pair, afin que lesdits habitants et autres particuliers aient moyen d'y passer librement sans péril de leurs personnes. Ce faisant ferez bien et justice. Chidaine, habitant de Neuilly". Le seigneur dont il est ici question est Henri de Gondi, mais nous ne savons pas s'il eut le temps de faire rétablir le pont de Neuillé avant de céder la baronnie de Château-Renault à Albert Rousselet en 1618.
Dans un plan de la fin du 17e siècle, on peut voir le "pont de Neuilly", et "arche" de l'autre côté de la "place ou tient la foire".
Rapport du sous-ingénieur des Ponts et chaussées en 1764 : "Nous, sous-ingénieur des Ponts et chaussées en la Généralité de Tours, en conséquence des ordres donnés par Mr l'Intendant pour faire la visite des ouvrages à faire pour la réparation du chemin qui traverse la prairie près Neuilly et les abords de cette paroisse, nous étant transporté en ladite paroisse, nous avons reconnu que la paroisse de Neuilly est située sur un coteau sur le bord d'une prairie où coule la rivière de Brasne. Cette prairie a 136 toises de largeur et les paroisses de Montreuil et Crotelles sont obligées de la traverser vis à vis Neuilly pour se rendre à Amboise, de même que partie des habitants de Neuilly pour se rendre à leur paroisse. Or, comme cette partie est couverte d'eau une grande partie de l'hiver, on a formé une petite levée pour les gens de pied et que les voitures côtoient. Mais les dégradations survenues à cette levée et les vases dont le gué de la rivière est rempli aujourd'hui rendent le passage impraticable tant aux voitures qu'aux gens de pied.
De plus l'arrivée du bourg se fait par une rampe si escarpée et si étroite que les voitures n'y peuvent monter sans une peine extrême.
1- Pour y remédier et rendre cet abord plus facile, on prendra le chemin sur une vigne qui est vis à vis la maison presbytérale. Par ce moyen, le chemin au lieu d'être serré et de tourner à coup, proche la porte du prieuré, commencera à entrer dans la vigne voisine vis à vis la croupe de l'église ; ensuite il décrira une courbe qui, tournant insensiblement en descendant le coteau, aboutira à l'entrée du gué de la rivière.
2- Pour rendre la traversée du gué praticable aux voitures, on commencera par enlever les vases du fond sur la largeur de 18 pieds. Ensuite il sera formé dans toute la traversée de ce gué un empierrement.
3- Pour réparer les dégradations de la levée des gens de pied, recharger les parties trop basses et élargir celles qui sont trop étroites.
4- Pour réparer les abords du pont du moulin, il sera fait une partie de chaussée d'empierrement. On commencera par déblayer l'encaissement et le disposer de façon à rendre l'accès de l'arche du moulin plus facile en adoucissant la rampe. [...]
Il conviendra de commencer par commander 36 journaliers à qui l'on donnera chacun 0,5 toise cube de pierre à tirer et entoiser. Ensuite on commandera 91 journaliers pour faire chacun une toise cube de terrasse. Lorsque ce travail sera terminé on commandera les voituriers pour transporter la pierre ; les journaliers aideront à la charger, feront l'enlèvement des vases et travailleront à la construction des chaussées. On prévient que le premier travail exigera trois journées de la part de chaque habitant, et le second un jour ; moyennant quoi tout sera terminé. Le sindic conduira le travail de la paroisse et se fera assister, dans la confection des rôles, la répartition et la conduite de l'ouvrage, par un ou deux commissaires qu'il choisira dans ladite paroisse. À Tours, ce 22 mai 1764. Lecreulx".
L'arche du moulin dont il est question dans ce rapport est celle qui permettait de franchir le bras de la Brenne entre le moulin de Sainte-Croix et celui du Coudray.
À la fin du XVIIIe siècle, l'héritière du marquisat de Château-Renault, Marie-Anne Rousselet, comtesse d'Estaing, refusant de réparer le pont en très mauvais état, les habitants de Neuillé adressèrent, le 13 mars 1769, aux Trésoriers de France à Tours, une requête dans laquelle ils racontaient que le "pont est actuellement dans le plus mauvais état et madame la comtesse d'Estaing refuse de la faire rétablir, sous prétexte qu'elle a cessé depuis environ trois ans de faire percevoir son péage. Mais comme cette cessation ne peut la dispenser de cette réparation inhérente à la perception, que d'ailleurs, comme dame de paroisse, elle en serait tenue, ils ont recours à votre autorité..."
Le 26 août 1770, une assemblée des habitants fut convoquée, et après avoir entendu l'exposé du prieur-curé Jean Raimbault, décrivant l'état du pont "ne tenant plus depuis plusieurs années, ayant plusieurs piliers et planches de manque, étant tout courbé, prêt à tomber", les habitants furent unanimement d'avis que le pont devait être rétabli et fait à neuf.
Le 30 mai 1771, au cours de l'assemblée, François Deshayes rappela que depuis l'assemblée de l'année précédente "le mal s'était accru, que les débordements des eaux avaient emporté le pont".
Le prieur-curé Jean Raimbault consigna sur un acte qu'en "1772, le pont de Neuilly a été bâti à neuf par les habitants de Neuilly, sur leurs propres deniers, par adjudication, pour la somme de 1300£".
Il ne devait pourtant pas être assez solide car il est de nouveau emporté par une crue pendant l'hiver 1784. De nombreux dommages eurent lieu cet hiver dans toute la région, et le Roi décida donc d'une aide financière exceptionnelle à la Généralité de Tours. Une partie servit au pont de Neuillé, "utile à la communication de différentes paroisses".
Le pont et le gué de Neuillé sur le cadastre de 1819 |
Sources :
Gérard Troupeau, Neuillé le Lierre, Une paroisse tourangelle sous l'Ancien RégimeArchives départementales d'Indre et Loire (H120 - C408).
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