Si la présence de vignes à Vouvray est attestée depuis l'Antiquité (introduites par Saint-Martin à la fin du IVe siècle), rien n'indique qu'il en existait aussi à Reugny, même si la proximité du monastère de Marmoutier a certainement facilité son implantation. En revanche il est quasiment sûr qu'elles étaient présentes au Moyen-Âge, et encore plus à la Renaissance, les rois de France appréciant en avoir à leur table.
Château de la Côte, cave datant de la Renaissance |
Entrée de cave ancienne en pleine forêt, près de la Galérie |
Pour le XIXe siècle, l'exploitation du vin se mesure au grand nombre de bâtiments viticoles construits à cette époque. Il s'agit le plus souvent de petites caves associées à une ferme, l'exploitation de la vigne ayant cours parallèlement à l'exploitation générale de la ferme, mais il peut aussi s'agir d'une grosse exploitation, comme en témoigne le chai subsistant de Boissé, qui comportait deux pressoirs.
Le chai de Boissé, accolé au coteau et à ses caves |
Plusieurs loges de vignes sont toujours observables sur le territoire, témoignage du parcellement de l'époque qui faisait que certains terrains n'étaient pas situés à proximité immédiate de l'habitation de son exploitant, qui pouvait donc s'abriter, se reposer et se réchauffer à l'intérieur lorsque les travaux des vignes le retenaient un peu plus loin de son domicile.
Une loge de vignes à Reugny |
En 1882, le phylloxéra arrive en Touraine et détruit totalement la vigne. Ce n'est qu'au bout de plusieurs dizaines d'années qu'elle retrouvera, et dépassera, son ampleur de l'époque.
Pendant la Première Guerre Mondiale, du Vouvray (de Neuillé) est envoyé au front : "Monsieur le Président donne lecture de l'état de répartition établi entre les prestataires de la commune pour le contingent de vin à fournir (sur la récolte de 1917) à l'armée." [Registre de délibérations du Conseil municipal de Neuillé, 1917]
Dans une délibération de 1923 du conseil municipal de Neuillé, "le Président expose au Conseil dans quelle condition le syndicat viticole de Vouvray attaques les vignerons de Neuillé le Lierre, pour avoir déclaré leur vin blanc comme vin d'origine : (Vouvray). Le Conseil, après délibération, considérant qu'il n'y a pas moyen de défendre cette cause sans argent, vote une somme de 2000 francs pour les frais que pourraient occasionner ce procès."
Le 4 juillet 1929, dans le journal L'Ouest-Eclair, on peut lire que Neuillé n'est pas la seule commune à avoir des problèmes d'appellation, puisque même Reugny et Chançay sont concernées : "La Cour de cassation vient de rendre un arrêt intéressant relatif au droit à l'appellation du vin de Vouvray. Le Syndicat de défense du vin de Vouvray qui comprend les quatre communes de Vouvray, Vernou, Ste-Radegonde et Rochecorbon prétendait que cette appellation était réservée aux seuls vins récoltés sur leurs territoires et déniait aux communes de Noizay, Chançay et Reugny le droit de vendre leur vin sous le nom de Vouvray. La Chambre civile a repoussé la prétention du Syndicat de Vouvray. Elle a jugé que les vignobles des trois communes de Noizay, Chançay et Reugny plantés en pinots de la Loire et cultivés exactement suivant le mode pratiqué dans les quatre communes du Syndicat de Vouvray faisaient partie de l'ensemble géographique ayant les mêmes assises géologiques que les coteaux producteurs du Vouvray. En conséquence, l'arrêt de la Cour reconnait que les vins récoltés sur ces trois communes ont droit à l'appellation de Vouvray."
Le vignoble de Vouvray devient Appellation d'Origine Contrôlée par décret du 8 décembre 1936. Les règles à suivre pour pouvoir étiqueter son vin AOC Vouvray sont définie dans ce décret (Recueil des décrets d'appellations contrôlées promulgués du 8 décembre 1936 au 31 août 1938, Institut national des appellations d'origine, 1938, p. 47-49). Neuillé est alors définitivement exclue de l'appellation, ce qui permet d'imaginer l'issue du procès de 1923...
Et pourtant, le vin était très présent à Neuillé aussi, puisque la Maison Bellevue est construite par un grand courtier en vins (comme en témoignent les grappes de raisin représentées sur les carreaux décoratifs) ;
Neuillé, la Maison Bellevue |
et un important vignoble existait à Bel Air, géré par M. Huard.
Neuillé, Carte postale du début du XXe siècle montrant les vendanges à Bel-Air, Collection des Archives Départementales d'Indre-et-Loire. |
La création de l'AOC va permettre de développer le commerce du vouvray, et va contribuer à la spécialisation du métier : alors qu'auparavant la consommation était principalement familiale, les producteurs vont pouvoir diffuser leur vin à plus grande échelle.
Photographie des années 1930 prise depuis la place de la Halle (derrière le café-restaurant de la place de la République), Collection de Mme Colette Roulet. |
Dans les années 1920, la prévention anti-alcool se développe, et prend place jusque sur le verso d'un cahier d'écolier...
En totale opposition avec cette prévention, un film de 1949 note que "À Reugny nous avons deux fontaines, la bonne et la mauvaise". On voit ensuite une jeune femme allant chercher de l'eau à la fontaine du lavoir, puis un verre rempli de Vouvray : "à vous de juger !".
Dans les années 1980, le passage de la ligne TGV est source de problèmes. Cette ligne allait ravager le territoire et faire trembler le vin dans les caves. Ainsi, dans le journal télévisé d'Antenne 2 du 17 mai 1984, on peut entendre : "Près de Tours, affrontement entre les forces de l'ordre et les viticulteurs qui manifestaient contre l'implantation du TGV. Deux gendarmes ont été légèrement blessés."
Article bien fouillé !
RépondreSupprimerMerci ! J'ai cherché dans mes archives tout ce que j'avais sur ce thème...
SupprimerLa qualité de vos articles m'impressionne toujours.
SupprimerBravo pour votre blog que j'ai plaisir à venir voir régulièrement, et pour cet article en particulier.
S.M. (arrière-petite-fille d'un vigneron de Neuillé)
Merci beaucoup !
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